RACONTER LA CATASTROPHE – CHORALITÉ ET TRAGÉDIE ESCA

Dramatiser l’épique. Donner à voir ce qu’on a vu. Raconter pour faire vivre. Comment mettre en scène le récit et en faire jaillir les voix multiples contenues dans la voix « principale » ? Comment refléter la communauté dans la solitude, l’expérience collective dans le récit individuel, la voix de tout un peuple dans la bouche d’un seul être ?

J’ai proposé aux 19 apprentis de l’ESCA de s’attaquer à une matière textuelle bien singulière qui, par sa nature même, pose d’emblée un problème fondamental de notre théâtre, à savoir, l’opposition entre l’épique et le dramatique. Il s’agit des récits des messagers dans les tragédies antiques grecques et latines. Ce personnage en tension entre le drame et le récit est empreint de contradictions fort intéressantes pour l’actrice et l’acteur : il n’est ni protagoniste, ni antagoniste, ni choreute, mais sans lui l’action ne peut avancer ; il est porteur d’un message crucial et décisif pour le dénouement de la tragédie mais il aurait mille fois préféré ne pas avoir la charge de le délivrer ; il jongle entre la distanciation du rapporteur et la terreur empathique du témoin oculaire. Le drame ne le change pas (tel qu’il entre en scène il en sort) mais il l’incarne et le change définitivement. Bref, autant de ressorts fascinants à explorer sur un plateau !

J’ai sélectionné 19 récits de messagers extraits de 19 tragédies différentes, une pour chaque élève : Les Perses et Agamemnon d’Eschyle ; Antigone, Electre, Œdipe roi, Œdipe à Colone et Les Trachiniennes de Sophocle ; Médée, Hippolyte, Hécube, La Folie d’Héraclès, Andromaque, Les Phéniciennes et Les Bacchantes d’Euripide ; Phèdre, Thyeste, Agamemnon, Médée et Les Troyennes de Sénèque.