RESTE À DIRE…

Nous vivons aujourd’hui une vaste crise de l’écoute. Écrans, réseaux sociaux, groupes virtuels sont devenus des multiplicateurs en masse de « mondes parallèles » qui séquestrent la communication à coup de fake news et de torsions rhétoriques de discours politiques, historiques et scientifiques. Des propos « extrêmes » où la langue est piégée et le débat vidé de sa substance même. Tout cela nous fait nous interroger sur l’efficacité et même la fiabilité des outils de langage dont nous disposons. La question de la communicabilité s’impose alors comme problème à résoudre. Ou à ne pas résoudre, mais… à déconstruire. C’est-à-dire, à travers les langages croisés de la danse, du théâtre et de la musique, nous avons cherché à dénoncer les dysfonctionnements et les limites de notre langue quotidienne (qu’est-ce qui fait langage dans le langage et qu’est-ce qui, dans le langage, piège ce même langage ?). En d’autres termes, il s’agit d’explorer la faillibilité du langage comme source potentielle de nouveaux langages. Mettre en crise les mots (et les signes) pour apprendre à communiquer autrement.

L’acte de « dire » invite à maintenir actif un secret à jamais indéchiffrable mais qui, rejouant sans cesse son échec primordial et perpétuel, cherche toujours une adresse, une altérité en qui, malgré tout, il espère trouver un écho, un (r)appel, une traduction. Cette nécessité urgente de reconnaissance et réciprocité dans le vertige du « dire », met ce même « dire » en danger constant puisque, une fois partagé, sorti du soi, il est confronté à l’imprévu et à l’impensé de la rencontre avec l’autre. Le secret est donc sans cesse maintenu en ce qu’il est le garant même de l’entretien des rapports au sein de la communauté. Et c’est peut-être précisément cette impossibilité de (se) dire qu’il faut vivre intensément, radicaliser et carnavaliser comme seule certitude (ressemblante et rassembleuse) dans l’incertitude inéluctable du « dire ».

Nous nous sommes réuni.e.s pour créer une œuvre dont le socle est fait de nos différences, frictions et incompréhensions qui se tissent en contrepoints, polyphonies, trames de fils décousus et recousus dans le temps et dans l’espace.