"Et nous continuons, dans notre ignorance de nous-mêmes et des autres, à nous entendre allègrement les uns avec les autres, à tournoyer dans la danse ou à discourir au repos – humains, futiles, jouant sérieusement au son du grand orchestre des astres, sous le regard dédaigneux et absent des organisateurs du spectacle. "
- Fernando Pessoa (Bernardo Soares), Livre de l’Intranquillité

CRÉATION (VERSION EXPERIMENTALE) THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE | 8, 9 ET 10 AVRIL 2017

Une trame intranquille de dialogues de sourds.

Une soirée, ou plutôt une traversée de la nuit, dans un restaurant en dehors de l’espace et du temps ou toutes les solitudes se croisent et essaient tant bien que mal de communiquer l’incommunicable. Une trame intranquille de dialogues de sourds. Une fête sans fête où les rencontres se font et se défont au gré des chansons.

Donnant suite au projet Poétiques de la voix et espaces sonores, cette deuxième création scénique s’intéresse encore à la choralité et à la musicalité en tant que principe structurant de la dramaturgie et base du jeu de l’acteur.

À présent, nous choisissons comme base et catalyseur de création un matériau textuel, certes, mais pas n’importe lequel : il s’agit d’une œuvre « chorale » elle aussi, et fragmentaire, d’un auteur tout aussi choral et fragmentaire : le Livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa. Recueil de textes discontinus aux couleurs, dimensions et rythmes très différents, sans linéarité ni connexion directe entre eux, il permet un chemin de lecture tout à fait aléatoire et sans cesse renouvelé par l’infinité de dramaturgies qui se dégagent de sa subjectivité plurielle.

Plutôt qu’un texte littéraire à adapter au théâtre, nous nous en emparons comme une impulsion contrapuntique, un catalyseur de musiques au sens très large : les siennes, les nôtres, les autres…

Intranquillité est une trame de voix (parlées, chantées, improvisées), images et mouvements mis en jeu au sens propre comme au figuré. Dix-neuf performeurs, sept musiciens et une centaine de convives, tous tour à tour acteurs et spectateurs les uns des autres.

Générique

D’après le Livre de l’Intranquillité (Livro do Desassossego) de Bernardo Soares, hétéronyme de Fernando Pessoa

Traduction, conception, mise en scène, direction musicale et décors : Marcus Borja
Assistanat à la mise en scène : Jean Massé
Collaboration artistique (première version) : Tristan Rothhut
Décors et costumes : Charles Chauvet
Lumières : Gabriele Smiriglia
Coaching vocal : Sylvie Deguy
Préparation corporelle : Vahram Zaryan
Assistant costumier : Mathieu Mistler
Régie Générale : Simon Fritschi

Avec
Marcus Borja, Sophie Canet, Michèle Frontil, François Gardeil, Lucas Gonzalez, Lola Gutierrez, Jean Hostache, Hypo, Magdalena Ioannidi, Matilda Kime, Cyrille Laïk, Esther Marty Kouyaté, Laurence Masliah, Jean-Max Mayer, Romane Meutelet, Rolando Octavio, Mica Smadja, Bernardo Soares, Isabelle Toros, Sophie Zafari et Vahram Zaryan

Et les musiciens
Georgina Aguerre, Pierre-Marie Braye-Weppe, Osvaldo Caló, Ignacio Ferrera, Xavier Leloux, Jean-Philippe Naeder et Pablo Nemirovsky

Remerciements
Tristan Rothhut, Claire Lasne-Darcueil, Vincent Détraz, Jean-François Dusigne, Aline Jones-Gorlin, Sylvie Cohen-Solal, Clément Peltier, Aurore Soudieux, Maria Clara Ferrer, La Comédie Française, La Voix du Griot et toute l’équipe du Théâtre de la Cité internationale.

© Crédit photos : Yuanye Lu

On en parle

Borja a parfaitement saisi que les réflexions les plus métaphysiques sur la vanité du cosmos peuvent être, comme dans la vie, mêlées à de tout petits conflits quotidiens et dérisoires, et que Pessoa combine ainsi l’absolu, auquel il croit bien peu, et le relatif, qui lui semble essentiel.[...] Cette composition de théâtre (authentiquement) et de musique (absolument) – car je ne sais comment autrement l’appeler – se révèle alors comme la seule transposition possible qui puisse inscrire dans un espace scénique, une œuvre unique en son genre, comme sont pratiquement toutes celles du poète portugais.

François Regnault

Vous entrez dans l’Intranquillité. C’est un cabaret, vaste comme le monde. C’est le monde. Des êtres s’y croisent, s’y rencontrent, y font l’expérience du présent. Femme-homme, homme-homme et femme-femme. Se rapprochent comme vous-même vous sentez invité à le faire, puis s’écartent. Vous pourriez vous lever et être l’un d’entre eux, l’un de ces corps si proches, même si vous restez assis à votre table, estomaqué. [...] Vous sortirez de la salle, intranquille à jamais, autant qu’habité d’une paix profonde. Vous demeurerez hanté par ce spectacle comme par un moment de vie, à l’égal de ce que vous aurez pu vivre dans le réel — en plus fort bien sûr puisque c’est du théâtre, avec la dimension onirique qui s’y rattache et, avant tout peut-être, la présence irradiante du désir en son cœur — à l’égal, donc, de ce qu’il peut vous arriver de plus fort dans votre vie.

Joseph Danan